Communiquer : activité centripète ou centrifuge ? Les deux, mon général !

 

Face à un jury ou à toute autre situation similaire (recrutement, réunion) nous pensons souvent nécessaire de garder le contact visuel avec nos interlocuteurs à chaque instant de l’entretien. Et pourtant, répondre de façon personnalisée à la question d’un membre de jury implique aussi un recentrage sur soi afin de mobiliser ses ressources intérieures.

Un reproche classique fait aux candidats lors de jurys d’examen ou de concours est de ne pas regarder les membres du jury. Si le contact visuel est bien entendu un élément important d’une bonne prestation de prise de parole dans ce contexte, en revanche ce contact ne doit pas se faire au détriment de la réflexion du candidat.

Dans un article précédent, nous avions montré comment le candidat empêche la fluidité intellectuelle par l’activité de ses « petites voix intérieures ». Nous voulons ici montrer comment la communication avec le jury doit être conciliée avec le travail intérieur du candidat.

Dans toute relation de face à face, on peut distinguer deux dimensions (en se référant à l’école de Palo alto) ou six fonctions (en se référant au modèle de Jakobson) de la communication :

  • La relation : le lien entre deux ou plusieurs personnes et la nature de ce lien
  • Le message : le contenu (ou fonction référentielle), la forme (ou fonction poétique), son aspect émotif (ou fonction expressive).

Avec un jury, la relation dure le temps du face à face et instaure un rapport de place entre un groupe qui évalue et un candidat qui doit affirmer sa capacité de réponse et son aisance dans l’échange. Impressionné, stressé, le candidat peut sembler esquiver le contact visuel avec son jury et donner l’impression d’un manque de confiance en soi ou d’affirmation de soi.

Il importe donc que le candidat établisse et maintienne le contact avec le jury depuis son entrée dans la salle de l’épreuve jusque sa sortie de la salle (fonction phatique selon Jakobson : « bonjour », regards vers chaque membre du jury, mimique et gestuelle soulignant le contact, etc.).

Si importante que soit la relation, elle ne doit pas cependant empêcher le processus intellectuel d’élaboration des réponses. Pour trouver ses réponses, le candidat effectue une sorte d’itinéraire intérieur qui se déroule en plusieurs étapes :

  • Assimilation de la question du jury. Ici le candidat se questionne : « quel est le sens général de la question ? Quels sont les mots clés ? »
  • Écoute intérieure des réactions spontanées. Une question peut susciter chez le candidat une réaction de type émotionnel ou réactiver un fait d’actualité, ou susciter un désaccord ou éveiller une problématique. Cette écoute de sa réaction est essentielle puisqu’elle va permettre d’amorcer la réponse du candidat.
  • Si le candidat écoute ses réactions intérieures, le processus d’élaboration de la pensée s’enclenche. Imaginons que la question posée suscite spontanément le souvenir d’un fait d’actualité, le candidat amorce sa réponse en rappelant ce fait. Par association d’idées, la réflexion s’enclenche et le candidat déploie toute sa capacité de réflexion.

Ce cheminement intérieur est très rapide, les connexions vont vite… à condition que le candidat s’autorise à maintenir ce lien avec soi-même. Or, s’il s’oblige à garder le contact visuel avec le jury de façon continue, son attention est captée par ce contact et il s’empêche d’orienter son attention vers ce qui se manifeste en lui. Sauf à avoir appris des éléments de langage pour faire des réponses plus ou moins convenues, le candidat qui réfléchit en temps réel a besoin de rompre le contact avec le jury pour réfléchir.

Ainsi au cours d’un échange, nous pouvons observer que jamais nous ne restons le regard fixé dans le regard de notre interlocuteur ; d’abord parce que cela serait gênant (tentez l’expérience) et ensuite parce que nous alternons entre le contact externe (avec l’autre), force centrifuge, et le contact interne (avec soi), force centripète. Un candidat qui gère bien l’échange avec son jury alterne les phases de contact avec les membres du jury et celles où il intériorise son attention.

Dit plus simplement, quand je réfléchis, je plonge en moi-même et mon regard m’y entraîne.

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