Notre expérience de la préparation aux auditions de sélection (concours et examens de la fonction publique, recrutements) nous montre qu’un facteur clé de la réussite lors d’une audition face à un jury est la confiance en soi : d’elle découle la fluidité intellectuelle, une meilleure affirmation de ses réponses, une plus grande aisance dans la relation au jury, une bonne gestion des émotions. On comprend donc que sans confiance en soi, il est difficile de donner le meilleur de soi.
Pour renforcer cette confiance en soi — et donc sa performance — il importe de comprendre ce qui se passe dans l’esprit d’un candidat en situation d’audition. Passons sur l’entrée en salle et l’installation du candidat face aux membres du jury et allons directement à la première question posée. Admettons que le candidat ait bien entendu cette première question, ce qui n’est déjà pas toujours évident. Le lecteur se demandera peut-être pourquoi nous ne traitons pas d’abord cette phase d’entrée et d’installation pendant laquelle les candidats éprouvent en général un stress plus ou moins important.
Pourquoi ? Parce que ce stress, qui commence même avant l’entrée en salle, dépend considérablement de la croyance du candidat en sa capacité à répondre correctement aux questions. Le candidat anticipe son échec ou sa réussite et se conditionne ainsi à la réussite ou à l’échec. Dans un précédent numéro, nous avions souligné l’effet de conformité qui empêche les candidats d’être eux-mêmes. Ici nous voulons insister sur ce qui empêche le sentiment de capacité.
Que se passe-t-il donc lorsque le jury pose une première question ?
Souvent, sous l’effet de sa crainte, le candidat inquiet n’est plus centré sur la question posée et la réponse à faire, mais sur ses impossibilités :
- il s’autocensure en refoulant d’emblée la première idée qui lui vient, interrompant ainsi le processus idéatif ;
- il complique la situation en se demandant ce que le jury a derrière la tête (question d’autant plus inutile qu’il ne sera jamais dans la tête du jury) ;
- il se perd dans le dédale de ses impressions et la masse de ses connaissances ;
- il s’inhibe par peur de se tromper ;
- il s’autoévalue de façon négative, se décourageant lui-même, et se dépréciant plus encore.
Ses petites voix intérieures – ce discours que l’on se fait à soi-même – l’empêchent de réfléchir… et confirment ainsi toutes ses craintes : il avait donc bien raison de douter de lui. Le cercle vicieux de l’échec est enclenché ! Le jury a alors l’impression d’avoir à faire à un candidat mal préparé ou tout à fait incapable. Pourtant, en questionnant le même candidat hors jury et de façon un peu informelle — avec la même question posée avant par le jury — nous avons souvent la bonne surprise d’entendre une réponse tout à fait intéressante.
Pourquoi cette compétence soudaine ?
Réponse : parce qu’il ne s’empêche plus !
Ce n’est pas le manque de connaissances ou le manque de réflexion qui fait échouer le candidat, c’est de ne pas savoir ce qu’il fait pour échouer et ce qu’il pourrait faire pour réussir. C’est de méconnaître ces gestes mentaux qui conditionnent nos performances.
Premier geste mental, le geste d’attention consiste à se préparer à entendre la question à venir et à s’interroger sur les mots clés de la question. Le candidat, qui reprend le contrôle de son attention, n’est donc plus centré sur lui-même et ses petites voix intérieures, mais bien tourné vers le jury et la question posée.
Le geste d’écoute de soi. La créativité, la mémoire, la pensée fonctionnent pour beaucoup par associations d’idées. Si une idée, un fait ou un souvenir me vient spontanément à l’esprit après avoir entendu la question posée et si j’accueille cette idée, ce fait ou ce souvenir, alors il produit d’autres associations mentales qui donneront la matière intellectuelle à formuler une réponse personnelle : la « machine » tourne à plein régime !
Autrement dit, lorsque le candidat se donne la permission de laisser venir à soi ce qui émerge spontanément, alors il libère sa capacité à penser. La pensée ne peut émerger que d’un mouvement intérieur : avant de dire « je pense », il nous faut d’abord admettre, avec Arthur Rimbaud, que « ça pense ». Et cette permission de penser par soi-même ne va pas de soi tant nous sommes formatés à penser dans la conformité, c’est-à-dire à ne plus penser par nous-mêmes. Ainsi, les candidats, face à un jury, peuvent oublier ce plaisir de penser librement et de partager avec plaisir leur propre pensée. On se demandera par exemple : « quelle est la bonne réponse attendue ?” ; on se dira aussi : « non je ne peux pas dire cela ! » censurant l’émergence de l’idée. Voulant trop maîtriser sa prestation, le candidat condamne toute spontanéité et freine ainsi le mouvement de pensée intérieure. Dans cette négation de soi, la seule possibilité de réussite adoptée par certains candidats est d’apprendre par avance nombre de bonnes réponses. Mais gare aux défaillances de la mémoire, à l’effet de récitation et surtout à la désagréable impression pour le jury d’avoir à faire à des candidats insuffisants ou formatés.
Nous savons donc que le succès repose sur la confiance en ses capacités réflexives en situation d’audition. Notre travail pédagogique porte alors sur trois phases :
- S’autoriser le risque de l’erreur ou de l’ignorance inévitable, ce qui est légitime.
- Favoriser la redécouverte de ses ressources internes (réflexion, émergence, associations d’idées, rapidité du flux).
- S’entraîner par étape en situation de face à face à mobiliser ces ressources.
Tout le reste, les révisions, l’accumulation de connaissances, le temps de réflexion qui sont nécessaires, n’aura d’intérêt que si la personne est capable de mobiliser, le moment venu, ces ressources prêtes à servir.
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