Indispensable à la performance collective, le dialogue professionnel est entravé par des freins relationnels qu’il s’agit donc de dépasser. Si la compétence de chaque collaborateur à communiquer a son utilité, le levier principal est la capacité à réguler le dialogue qui favorise les échanges et notamment une parole qui doute.
Les dysfonctionnements organisationnels se nourrissent du silence, fait de multiples censures sur les problèmes qui entravent la performance. À l’inverse, le dialogue professionnel, ce temps pris sur l’action, nourrit la réflexion nécessaire à la décision, organise la cohérence des contributions individuelles et favorise la cohésion au sein des équipes. Il est aussi un moyen simple de produire du sens.
Pilier de la performance collective, le dialogue professionnel ne va pas pour autant de soi, pas plus que le dialogue au sein des familles et autres groupes sociaux. Aux contraintes organisationnelles déjà importantes, s’ajoutent des freins relationnels. Exemples :
- Le souci d’éviter les tensions interpersonnelles. En effet, dialoguer c’est exprimer des positions et des points de vue qui peuvent plus ou moins diverger et générer des oppositions. Car le dialogue professionnel n’est pas assimilable à une conversation de salon où la prédominance du code social édulcore les divergences ; son but est de confronter des représentations afin de construire une intelligence collective, avec ce que cela implique de charge émotionnelle.
- Le doute sur sa légitimité à s’exprimer, qui relève autant d’un manque de confiance en soi que d’un climat de travail peu propice. Se sentir légitime, c’est aussi savoir que la parole est accueillie avec bienveillance et considération, quand bien même elle soulève des désaccords.
- L’autocensure dans un collectif sous l’effet de la pression de conformité ou de l’évidence qui semble s’imposer à tous. Qui peut oser se prononcer ou même s’autoriser à penser contre l’avis d’un groupe, surtout quand celui-ci écrase l’individualité sous l’effet de la cohésion ?
- Le confort de la passivité qui permet de rester dans sa zone de confort, de ne pas avoir à argumenter et peut-être aussi de rester dans une posture critique, sans responsabilité.
- Un fonctionnement institutionnel trop rigide dans lequel l’action se traduit en procédures, où le pilotage est par trop centralisé et où le risque de l’erreur se paie au prix fort.
- L’enjeu du rapport de place ; en effet, la prise de parole est aussi une occasion d’instaurer des relations de supériorité (comme expert, comme supérieur hiérarchique) en plaçant l’autre en état d’infériorité ; ce qui peut induire soit un conflit de place soit un renoncement à s’exprimer.
- Il existe aussi dans les organisations des sujets tabous, que l’on n’aborde pas sans prendre le risque d’être le perturbateur. Par exemple une organisation du travail déficiente qui provoquerait une remise en question des acteurs concernés.
Faudra-t-il former toutes les personnes en situation de travail à la pratique du dialogue organisationnel ? Non, certainement pas. D’abord parce que tous les postes ne sont pas concernés au même titre et ensuite parce que la capacité de dialogue dans une organisation passe surtout par la capacité à réguler le dialogue ; là est le levier. Il importe que les dirigeants, les cadres, les chefs d’équipe ou des facilitateurs puissent développer cette capacité à organiser le dialogue et réguler les échanges. Ce qui est visé ici n’est pas tant l’éloquence ou une relative fluidité d’expression, mais surtout le travail sur les postures relationnelles au sein d’un groupe professionnel.
Ici l’humilité à une place toute particulière, car la parole utile n’est pas nécessairement une parole sûre et certaine, ce peut être une parole qui doute, qui suscite par conséquent le questionnement propre à la réflexion et aux remises en question. Mais cette parole qui doute est plus dérangeante et moins valorisante qu’une parole de sachant qui affirme.
Ainsi, le dialogue professionnel apparaît comme un lieu où l’incertitude s’apprend pour donner toute sa valeur à l’échange. En valorisant la parole, c’est aussi tous les contributeurs que l’on valorise, ce qui n’est pas sans intérêt pour la motivation au travail.
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